À propos de l’œuvre de Maryse Michelon

Par Alain-Jacques Levrier Mussat

A l’évidence, le propos de l’artiste sur son travail nous renvoie pleinement au sentiment romantique, à cette résurgence d’une dialectique permanente entre le JE créateur et le ON du monde extérieur qui nous enchâsse. L’artiste joue et se joue de ses harmonies fragiles et colorées entre espoir et renoncement, ombre et lumière, agitation et apaisement, stabilité et instabilité…

L’ œuvre de Maryse réactive cette dualité, cette théâtralité qui a fait, un jour, de la peinture le rendu d’un état d’être. Maryse Michelon ne réfute pas l’origine et le sens d’un réel devenu une plongée dans l’illusion, l’inéluctabilité, la mélancolie, le psychique, le fantastique et le spirituel…

Le propre de l’œuvre romantique est de rendre palpable toute une palette de sentiments contradictoires : Exister et  mourir,  voir et occulter,  douter et espérer…

L’œuvre est souvent la traduction visuelle d’une attente ; un jour les choses seront ainsi… Le romantique, pour peu qu’il soit doué de ses mains, donnera corps et chair à ses rêves. Le septique et le pragmatique lui répondront qu’il peut toujours rêver.

Depuis longtemps, cette voie est ouverte et la filiation avec les paysages de TURNER ou de FRIEDRICH est palpable. Formellement et symboliquement, il y a quelque chose de tout cela dans l’œuvre de Maryse.

Mais la recherche thématique de l’harmonie arrachée au chaos n’est pas un principe défini a priori par un certain nombre de concepts ou de règles picturales. La recherche de l’harmonie est une expérience qui passe par la RECONSTITUTION d’un sentiment et en peinture par la RECONSTITUTION d’une chose vue et observée.

Chez Maryse, la structure est toujours persistante, non comme sujet en soi, non comme imitation, mais comme moyen d’ancrer chaque regard dans une composition et de lui donner un point de référence.

Mais toujours, la structure est déréglée ;

  • Déréglée par des couleurs surprésentes qui émergent de la griffure de la matière travaillée au racloir.
  • Déréglée par des atmosphères vaporeuses d’où émerge une lumière diffuse ou concentrée.
  • Déréglée par des tonalités et des perspectives inhabituelles

Contrairement à l’œuvre abstraite, l’œil du spectateur est accroché mais il ne retrouve pas d’emblée son point équilibre. Du coup, les paysages, les coins de rue, les perspectives urbaines se dérobent à toute tentative de vouloir les figer. La rétine se consume. Le sujet flotte désormais entre deux consciences de la réalité et les jeux de dégradés et de contrastes qui claquent entre eux le maintiennent en suspension.

Les paysages mentaux donnent la sensation du vertige et métamorphosent la vision en instant impossible, un peu comme si l’imperceptible était rendu visible, éternisé. L’apparence devient apparition.

Comment traduire, comment comprendre, comment appréhender un paysage devenu une subjectivité du regard ? La réalité serait-elle trop fade pour éprouver à ce point le désir de l’amender ?

A moins que ce ne soit notre œil  qui soit incapable d’en saisir la vertigineuse beauté… Entre effacement d’une réalité et révélation d’une autre, Maryse Michelon peint et dépeint.

Et si la réalité dépeinte ainsi apparaît plus VRAIE dans l’œil de celui qui la perçoit comme telle, alors l’artiste donne un sens à ce qu’il fait.

Alain-Jacques Levrier Mussat